Dans un arrêt en date du 22 novembre 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel avait méconnu l’article 2 du Code de procédure pénale ainsi que le principe de réparation intégrale du préjudice subi par la victime d’une infraction pénale en considérant que la partie civile ne peut obtenir en réparation de son dommage, de la gérante pénalement responsable, paiement de la même somme que celle fixée au passif de la procédure collective de la société qu’elle dirige, condamnant en conséquence la prévenue à indemniser la victime à hauteur de seulement 2 000 euros. Selon la haute juridiction, l’obtention d’un titre contre la société en procédure collective, n’exclut pas la faculté pour la victime d’une infraction de solliciter du pénalement responsable, l’indemnisation de son entier préjudice actualisé après déduction des sommes perçues au titre des créances arrêtées dans le cadre du plan de continuation (Cass. crim. 22 novembre 2017, n°16-87.124).
Mme X a été poursuivie, comme gérant de fait de la société Y, devant le Tribunal correctionnel de Pau, notamment du chef d’escroquerie au préjudice de la société CGA en lui transmettant des factures non causées qui avaient été suivies d’avoirs dont se sont prévalus les débiteurs desdites factures.
Le Tribunal correctionnel de Pau, après avoir condamné la prévenue, a alloué à la société CGA, partie civile et créancière admise au plan de continuation du redressement judiciaire de la société Y, la somme de 124.831,75 euros représentant le solde restant dû au titre de la créance déclarée.
Pour sa part, la Cour d’appel de Pau a écarté la demande actualisée de la société CGA en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 120.101,00 euros correspondant au solde de sa créance, en énonçant que la partie civile ne peut en réparation de son dommage, obtenir de la gérante pénalement responsable, paiement de la même somme que celle fixée à l’encontre de la société qu’elle dirige par un titre définitif en cours d’exécution.
Toutefois, la Cour d’appel a retenu l’existence d’un préjudice en lien avec l’escroquerie et a chiffré l’indemnisation à 2.000,00 euros.
La société CGA a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt qui a été cassé.
En effet, il est de jurisprudence constante qu’en vertu de l’article 2 du Code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale du préjudice, la victime d’une infraction doit obtenir réparation de son entier préjudice, sans profit, ni perte (Cass. crim. 24 février 2009, Bull. Crim. n°43 et Cass. crim. 11 avril 2012, Bull. Crim. n°91).
L’arrêt en date du 22 novembre 2017 a été rendu au visa de l’article 2 du Code de procédure pénale et dudit principe.
Par ailleurs, la Cour de cassation avait également jugé que l’évaluation du préjudice causé par une infraction, doit être déterminée par le juge au moment où il rend sa décision (Cass. crim. 1er mars 2011, Bull. Crim.n°42, Cass. crim.13 novembre 2013, Bull. Crim 223 et Cass.Crim.8 mars 2011, Bull. Crim.n°48 ).
Ainsi, la question posée à la Cour de cassation était de savoir si la victime pouvait solliciter des dommages et intérêts à hauteur d’une créance faisant l’objet d’un titre exécutoire au profit de la partie civile, obtenu à l’encontre d’une autre personne que la prévenue.
La haute juridiction a répondu par l’affirmative dans la mesure où la créance déclarée par la société CGA et fixée judiciairement au passif de la société Y, était de nature contractuelle de sorte qu’elle se distinguait de la créance de dommages et intérêts, fondée sur la responsabilité délictuelle et sollicitée à l’encontre de la prévenue.
Dès lors, selon la Cour de cassation, le préjudice de la société CGA doit être indemnisé à hauteur de sa créance telle que fixée au passif de la procédure collective de la société Y, après déduction des dividendes perçues au jour de la décision statuant sur la demande de dommages et intérêts de la partie civile.